Actrice phare de la série « Les Mystères de l’amour », diffusée chaque dimanche soir sur TMC, Carole Dechantre incarne à merveille le rôle de la perverse Ingrid. Rencontre avec la comédienne franco-suisse, qui est également productrice de documentaires.
Nilmirum – Comment avez-vous été repérée pour intégrer AB Productions au cours de la première moitié des années 90 ?
Carole Dechantre – J’étais au Cours Florent. Pour payer mes cours, il fallait que je trouve un petit job. Il était hors de question que je sois serveuse ! j’étais bien trop maladroite. Je cherchais quelque chose dans le milieu du spectacle, sachant que je faisais de la scène depuis l’âge de 6 ans. A l’époque, AB Productions engageait énormément de figurants. On m’a donc proposé d’essayer la figuration. Je voulais bien en faire, mais je ne voulais pas qu’on me voit à l’écran. Mon agent ne me le recommandait pas. Je souhaitais ne pas être « grillée » dans le milieu. Jean-Luc Azoulay m’a vu jouer lors de courtes séquences et m’a proposé mon premier vrai rôle dans la sitcom « La philo selon Philippe », pour incarner le personnage d’Émilie. C’était mieux payé que de faire de la figuration. Mais j’ai eu beaucoup de mal à accepter cette proposition, au point qu’en raccrochant le téléphone, je me suis mise à pleurer en me disant que je tombais bien bas ! Aujourd’hui, je ne regrette pourtant pas mon choix. Cela m’a permis de payer mes cours plus confortablement, de jouer et de pratiquer mon métier.
Beaucoup de comédiens issus du sérail AB Productions se plaignent d’avoir une étiquette. Avez-vous également rencontré des difficultés pour décrocher des rôles en raison de votre passé d’actrice de sitcoms AB ?
Je n’en ai pas l’impression. Si c’est le cas, on ne me l’a jamais dit. J’ai eu la chance de ne pas avoir été marquée par un rôle ou un personnage en particulier. Les gens du métier ne regardaient pas forcément ce que je faisais. Je n’étais pas saisissable dans un personnage. Si « La Philo selon Philippe » avait cartonné comme « Premiers Baisers » ou « Hélène et les garçons », j’aurais certainement souffert de cette fameuse étiquette. Mais j’ai toujours eu la chance de travailler ailleurs après la période des sitcoms AB Productions.
Dans « Les Mystères de l’amour », le personnage que vous incarnez, Ingrid, est passé de « méchante » à « gentille ». A quel moment avez-vous pris le plus de plaisir à l’incarner ?
J’aime bien être méchante (rires) ! C’est tellement à l’opposé de ce que je suis dans la réalité. Mais j’ai également apprécié les moments où Ingrid était « écorchée ». J’ai pris du plaisir à faire tomber le masque d’Ingrid et à faire couler ses larmes. Mais ça ne veut pas dire qu’elle n’est pas méchante (rires). Mon rôle est l’un des plus intéressants de la série à jouer. Jean-Luc Azoulay s’amuse beaucoup avec mon personnage. On discute d’ailleurs assez souvent de son évolution.
Philippe Vasseur, qui joue le rôle de José, ne cache pas qu’il considère « Les mystères de l’amour » comme un job alimentaire. Est-ce également votre cas ?
En ce qui me concerne, c’est un terrain de jeu. J’y vais pour pratiquer mon métier. Il n’y a rien de pire que d’être acteur et de ne pas tourner. C’est un véritable moteur de se retrouver sur un plateau avec des gens que l’on connaît depuis 20 ans. L’ambiance entre les comédiens est fantastique. C’est très familial. Dans le dernier épisode diffusé, je me retrouvais au lit en soutien-gorge. Je n’ai eu aucune pudeur à tourner cette scène. Il en aurait été autrement sur un autre plateau…
Est-ce bien payé comparé aux sictoms AB dans lesquelles vous avez jouées au cours des années 90 (« L’école des passions », « La philo selon Philippe » et « Pour être libre »).
Non, la belle époque est révolue… C’est la récession pour tout le monde ! Avant, c’était diffusé sur TF1, maintenant c’est sur TMC. Dans le métier, les cachets ne sont plus les mêmes que ce qu’ils ont été. Même les acteurs les plus « bankables » ont du réviser leur cachet. Les conditions incroyables de tournages sont terminées. Tous les gens ont moins d’argent, il faut donc optimiser au maximum les coûts de production.
Le personnage de José va disparaître dans cette sixième saison. N’est-ce pas une grosse perte pour la série ?
Concernant les répercussions sur l’audimat, je ne sais pas. Au sujet de la série en elle-même, c’est certain, car son personnage est attachant et drôle. Il apporte vraiment quelque chose, comme chaque personnage d’ailleurs. Mais je ne regarde pas la série avec les mêmes yeux que les fans. Il n’est donc pas évident pour moi de répondre à cette question. En tout cas, à moi, il me manque en tant qu’ami !
« C’est comme si je tournais un épisode OVNI à chaque épisode tellement mon rôle est irréel »
Le tournage des « Mystères de l’amour » est-il votre activité principale ces dernières années ?
J’ai un autre travail. J’ai ma boite de prod’ à faire tourner quand je rentre en Suisse. Avec Vertiges Prod, je produis des documentaires consacrés à la montagne et à l’aventure. Même si cela reste dans le domaine de l’image, c’est très différent du tournage des « Mystères de l’amour ». Ce n’est plus du tout un travail d’actrice. Une fois que j’ai terminé les tournages en Île-de-France, je retourne donc en Suisse. Mais, chez moi, il faut aussi que j’apprenne mes textes pour le rôle d’Ingrid ! J’aimerais souvent que les journées durent plus de 24 heures (rires). Nous avons de grosses journées de tournage. Le rythme est super intense. Et ça se ressent dans le jeu. Malheureusement, je ne peux pas être bonne tout le temps. C’est un sacré exercice où il est compliqué d’être juste. Parfois, je demande à refaire une scène, mais nous n’avons pas toujours le temps. J’aimerais faire un beau film, où le travail d’acteur est vraiment mis en avant, main dans la main avec un réalisateur. Mais je n’ai même pas le temps de prospecter. Toutefois, j’ai des projets de théâtre en Suisse. J’aimerais faire des cours et des stages de coaching pour me retrouver et ne pas ressortir les mêmes automatismes de jeu.
Les deux derniers épisodes des « Mystères de l’amour », qualifiés d’épisodes « OVNI » semblent avoir déboussolé les fidèles téléspectateurs. Sur les réseaux sociaux, les critiques ont été assez vives. Cela vous étonne-t-il ?
Ça m’étonne tellement ! Nous étions tellement morts de rire pendant le tournage. Tout le monde a pris le contre-pied de son personnage. Tous les acteurs se sont éclatés à tourner. Mais je ne vais pas sur les forums consacrés à la série, donc c’est quelque chose que vous m’apprenez.
Regardez-vous la série lorsqu’elle passe sur TMC ?
La série fait sa vie. Je suis contente quand on m’annonce de bonnes audiences. Mais je ne regarde pas la télévision. Après, on reçoit des DVD. Je regarde certaines de mes scènes pour pouvoir améliorer mon jeu.
Prenez-vous plus de plaisir à jouer des épisodes « OVNI » que des épisodes traditionnels ?
Mon personnage est déjà un ovni! Ma palette de couleurs est très large. A chaque épisode, c’est comme si je tournais un épisode « OVNI » tellement mon rôle est irréel. J’aimerais bien que mon personnage ait de L’humour et du second degré à l’avenir. Mais c’est compliqué…
Jean-Luc Azoulay a-t-il l’intention de continuer à tourner des épisodes « OVNI » ?
Ce n’est pas forcément prévu dans l’immédiat, mais il voudra certainement en refaire d’autres. Ça lui offre une grande respiration dans son écriture.
La saison qui passe actuellement est déjà la sixième. Y en aura-t-il une septième ?
On a reçu des plannings pour la septième saison, qui a été confirmée. Je n’hésite pas à rempiler, tant que je continue à beaucoup m’amuser !