Durant soixante dix ans, Quincy Jones, mastodonte de la musique américaine, a été considéré comme le plus grand producteur populaire au monde. Retour sur la carrière légendaire de celui qui est décédé à l’âge de 91 ans.
Quincy Jones, la France a fait sa belle carrière
En 1957, Quincy Jones séjournait quelques années à Paris et laissait sa vision de la musique être transformée par une musicienne d’autorité : Nadia Boulanger. Était-il le producteur de musique américaine le plus important du XXe siècle ? Peut-être bien. Quincy Jones est décédé à l’âge de 91 ans le 3 novembre 2024, clôturant une vie passée aux côtés des plus grands, comme lui, de Michael Jackson à Ray Charles, d’Ella Fitzgerald à Frank Sinatra.
En 2022, il avait encore la force et l’esprit de publier 12 Notes On Life And Creativity, une sorte d’autobiographie concentrée sur les éléments et événements clés de sa vie, ceux qui ont forgé son goût pour la musique et le développement de sa personnalité artistique. Pourquoi douze ? Suivant la sortie du livre, il donnait une explication au magazine américain Publishers Weekly : « Quand je suis allé étudier à Paris dans les années 1950 auprès de la grande professeure Nadia Boulanger, elle me disait : « Quincy, il n’existe que douze notes. Tant qu’il n’y en existera pas de treizième, apprends tout ce que tu peux savoir quant à ce que les autres ont fait de ces douze notes. » Et c’est exactement ce que j’ai fait. »
« Émerveillements musicaux »
La productivité de Quincy Jones au plus haut niveau, sa longévité s’étalant de ses débuts dans le jazz des années 1950 à la pop des années 2000 n’auraient, de son aveu, pas été possibles sans l’apport de Nadia Boulanger, donc, théoricienne et compositrice française née 1887 et décédée en 1979. Dans son appartement parisien, elle réunissait tous les mercredis certains des plus grands noms de la musique classique, comme son grand ami Igor Stravinsky, et des étudiants du Conservatoire de Paris, à peine adolescents, pour des leçons d’écoute et d’analyse musicale extrêmement prisées, que la protagoniste qualifiait de « cours d’émerveillements musicaux ».
Ce recoin du IXe arrondissement de Paris, situé plus exactement rue Ballu, a attiré des aspirants étrangers prêts à parcourir des milliers de kilomètres pour y être acceptés. Y compris Quincy Jones, qui, en 1957, débarquait dans la capitale française afin de tenter sa chance dans le milieu jazz local et d’apprendre auprès de Nadia Boulanger, surnommée « Mademoiselle ».
Le « chant » des possibles
À l’époque, l’Américain, âgé de seulement 23 ans, est déjà pianiste auprès de grands noms du jazz outre-Atlantique. Sa rencontre avec la professeure lui ouvre des portes esthétiques qu’il ne soupçonnait pas, augmentant le champ des possibles et contribuant à le propulser comme directeur musical de la toute jeune maison de disques hexagonale Barclay, future très grande du secteur. À la fin des années 1960, son apprentissage auprès de Nadia Boulanger achevé, il enchaînera les tournées de concerts au sein de big bands dans toute l’Europe, avant que des ennuis financiers ne le poussent à rentrer au bercail, puis à prendre un poste chez le label Mercury.
La suite de sa carrière est une autre et longue histoire où se croisent certains des albums et singles les plus vendus au monde. Tous portent, quelque part, la trace enfouie de Nadia Boulanger et de ses subtils émerveillements musicaux.