Le parquet national financier (PNF) a requis, ce jeudi, une peine de 7 ans de prison ferme, 300 000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité contre Nicolas Sarkozy, dans le cadre du procès du financement libyen. Une sanction d’une sévérité inédite pour un ancien président de la République. Ses avocats prendront la parole le 8 avril, après les plaidoiries des autres prévenus.
Procès Nicolas Sarkozy : le parquet parle d’un « pacte de corruption faustien » !
Comme une marée qui monte lentement, le réquisitoire du procureur financier Sébastien de la Touanne s’est abattu sur les prévenus du procès du financement libyen. Nicolas Sarkozy voit la vague grossir et approcher. Lorsque le magistrat requiert 6 ans de prison ferme, 100 000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité pour Claude Guéant, il est évident que la sentence pour l’ancien chef de l’État sera encore plus lourde.
Il est 16h45 lorsque le représentant du Parquet national financier, après près de 24 heures d’un réquisitoire à trois voix entamé mardi, demande une peine historique pour un ancien président de la République : 7 ans de prison ferme, 300 000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité.
Face à lui, Nicolas Sarkozy encaisse le coup. Quelques minutes plus tard, il quitte la salle d’audience, sourire aux lèvres, serrant quelques mains avant de disparaître dans les couloirs du tribunal de Paris. Sa voiture l’attend rue du Bastion.
Des peines sévères pour les autres prévenus
Le PNF n’a pas ménagé les autres accusés, dont plusieurs encouraient jusqu’à 10 ans de prison. Parmi les réquisitions :
- Claude Guéant : 6 ans de prison, 100 000 euros d’amende, 5 ans d’inéligibilité
- Brice Hortefeux et Thierry Gaubert : 3 ans de prison
- Alexandre Djouhri (qualifié d’« agent de corruption ») : 5 ans de prison, 4 millions d’euros d’amende
- Ziad Takieddine (en fuite) : 6 ans de prison, 3 millions d’euros d’amende
- Béchir Saleh (ancien dignitaire libyen, également en cavale) : 6 ans de prison, 6 millions d’euros d’amende
- Éric Woerth : 1 an de prison pour financement illégal de la campagne de 2007
Un “pacte de corruption faustien”
Le PNF justifie cette sévérité en dénonçant un « tableau très sombre d’une partie de notre République ». Le procureur insiste particulièrement sur la responsabilité de Nicolas Sarkozy, pointant sa « quête effrénée de financement pour ses ambitions dévorantes » et dénonçant un « pacte de corruption faustien » avec Mouammar Kadhafi, un des « dictateurs les plus infréquentables ».
Il rappelle que la folie meurtrière du leader libyen a causé la mort de centaines de personnes, dont 54 Français dans l’attentat contre le DC-10 d’UTA en 1989.
Le procès n’est pas terminé
Dès lundi, la défense aura l’occasion de répondre aux accusations. Les avocats de Nicolas Sarkozy, pour lequel aucun mandat de dépôt immédiat n’a été requis, plaideront le 8 avril. Ensuite, le tribunal mettra son jugement en délibéré, une décision qui pourrait prendre plusieurs mois. En théorie, le réquisitoire du parquet ne lie pas les juges. La présidente Nathalie Gavarino et ses assesseurs peuvent choisir de suivre les réquisitions, de les réduire ou même de prononcer des relaxes.
Un dossier accablant ?
Le parquet a présenté un réquisitoire dévastateur, s’appuyant sur :
- Des témoignages libyens
- Les carnets de Choukri Ghanem, ex-haut responsable du régime Kadhafi
- Des milliers de documents numériques, notamment sur le disque dur de Ziad Takieddine
- Le traçage de fonds suspects : 440 000 euros provenant de Tripoli vers un compte exotique de Thierry Gaubert
Le PNF rappelle que le délit de corruption ne repose pas uniquement sur le traçage des sommes d’argent, mais sur l’existence d’un « pacte » entre les parties. À ce stade, difficile de dire que le dossier est vide. Mais est-il assez solide pour mener à douze condamnations ?
Nicolas Sarkozy contre-attaque
Immédiatement après l’annonce des réquisitions, Nicolas Sarkozy a réagi sur X (ex-Twitter), dénonçant une persécution politique : « Le PNF persiste depuis 13 ans à essayer de prouver ma culpabilité (…) postulat idéologique de base (…) Je continuerai donc à me battre pied à pied et à croire dans la sagesse du tribunal. »
Il ajoute : « Celui qui est victime de l’injustice est moins à plaindre que celui qui la commet. Devant le tribunal de l’Histoire, la place réservée à ce dernier n’est pas la plus enviable. Je la laisse à mes accusateurs. »
Une déclaration adressée à l’opinion publique. Mais ses avocats devront convaincre le tribunal avec d’autres arguments.